Raymond Choquet

Image et textes offerts par la Roulotte théâtrale d’Elouges
Sa biographie :
Raymond Choquet est né le 5 mai 1941 à Dour.
Vers 1959, il rencontre Marcel Moreau (écrivain né le 16 avril 1933 à Boussu et mort le 4 avril 2020 à Bobigny) dans un cercle d’écrivains au Cabaret Florio, place de la Vieille Halle aux Blés, à Bruxelles.
Il meurt le 3 octobre 1966 à Bruxelles, à l’âge de 25 ans.
Son père, Raymond est né le 6 mai 1917 à Dour et décédé en 1995. Il était menuisier à Dour. Sa mère, Suzanne Ghin est née le 22 septembre 1920 et décédée en 2011 à Dour. Elle était “demoiselle de magasin” à Quiévrain. Ils se sont mariés en 1940.
Raymond Choquet par Marcel Moreau
Jadis, j’avais un ami un jeune poète, de la race des Rimbaud, vivant comme Van Gogh. Il avait dix-huit ans. Ne supportait pas ce monde cupide et cynique.
Il habitait tant bien que mal une chambre de bonne. Tous les métiers l’offensaient. Les mots, c’était toute sa vie. Il les avait brûlants, révoltés, prophétiques.
Ses parents, confortables, aisés, rêvaient pour lui d’un emploi stable, juste de quoi lui garder la tête haute. « Il a tout pour être heureux », me disaient-ils, inlassablement.
Je me disais que non, mais je n’avais pas de réponse. Un jour, ses parents, pour lui prouver qu’effectivement il avait tout pour être heureux, lui offrirent un appartement.
Ils entraînèrent leur fils chez le notaire. Le lendemain de la signature, il se donnait la mort, par le gaz, dans sa soupente. Auparavant, il avait écrit sur la porte : Attention, danger d’explosion.
C’était la première fois qu’il n’écrivait pas poétique, ou alors c’était la première fois que la poésie n’avait plus besoin d’être un chant, la déflagration lui suffisant.
Lorsque je revis ses parents, pour les consoler, ils ne cessèrent de me répéter : « Il avait pourtant tout pour être heureux ».
Ils ne cherchaient pas à se porter au-delà de cette formule, il ne pouvait y en avoir d’autre, à leurs yeux, puisqu’elle était irréprochable.
Au-delà, il n’y avait plus de formule, il n’y avait que des questions, sans doute ténébreuses, torturantes, à éviter.
En vérité, R. avait tout pour être malheureux, sauf en Poésie, laquelle ne rend pas heureux mais fou de l’étrange jouissance de ne pouvoir l’être.
Il y avait en lui ce secret d’absolue désespérance, foudroyé par la vulgarité et les rires gras de l’époque, insoutenables.
Moi-même, pour ne l’avoir rencontré que rarement, je ne pris conscience que sur le tard de son vertige des précipices.
J’appris qu’il fréquentait les prostituées et qu’il mendiait. À la seule jeune fille qu’il avait aimée, il avait demandé l’impossible.
Elle le lui avait refusé. Il avait tout pour être heureux, à cette objection près qu’il demandait l’impossible, à lui-même, aux autres, à la société, et peut-être aussi à l’écriture.
Il faudrait conseiller à la plupart des parents de s’abstenir de penser que leur enfant a tout pour être heureux. À la rigueur, le penser, mais surtout ne pas le dire, ne pas le répéter.
Ce sont des mots qui peuvent tuer, à la longue.
Marcel Moreau dans Morale des épicentres, Denoël, 2004.
Ses fonctions :
- Homme de lettres
Ligne du temps :
Références bibliographiques (Pour la description complète, cliquez sur la référence) :